RSA sous conditions : le flou concernant les 15 à 20 heures d’activité obligatoire

Le RSA conditionné, actuellement en phase d'expérimentation dans 18 départements, soulève encore de nombreuses questions.

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Un récent reportage du journal Le Parisien a permis d’apporter quelques éclaircissements concernant ce dispositif prévu pour 2024. Malgré tout, les interrogations persistent autour du RSA, tant du côté des décideurs politiques que des bénéficiaires eux-mêmes. 

RSA : Une expérimentation prometteuse ?

Le RSA conditionné à des heures d’activité suscite à la fois l’enthousiasme et les interrogations. Après plusieurs mois de préparation et une phase d’expérimentation lancée dans 18 départements, des zones d’ombres subsistent toujours concernant ce dispositif. Comment est donc l’organisation des heures ? Par qui ? Et au bénéfice de qui ? 

Des réponses commencent néanmoins à émerger. Le Parisien a publié un reportage dans lequel nous découvrons comment la ville de Tourcoing, l’un des acteurs de cette réforme, met en place ce nouveau système. 

Sur place, la Maison Nord emploi, un lieu dédié à l’accueil des allocataires, a été transformée en véritable plateforme d’orientation. Dedans, une équipe de professionnels, composée d’une dizaine de conseillers du département et de chargés d’orientation de Pôle emploi. L’équipe travaille notamment en binôme pour réaliser les premiers « entretiens d’orientation ». En seulement 30 minutes, on établit un diagnostic complet.

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Une fois que la situation des allocataires est évaluée, ces derniers sont dirigés vers l’un des trois parcours d’accompagnement. Bien entendu, cette orientation se fait en fonction des besoins spécifiques de chaque individu. Concrètement, les allocataires très éloignés de l’emploi sont dirigés vers un parcours de « remobilisation ».

Ensuite, pour ceux qui rencontrent moins de difficultés, ils sont orientés vers un parcours axé sur l’ « équilibre ». Enfin, le parcours « emploi », est destiné à ceux qui sont prêts à s’engager pleinement dans une recherche active d’emploi.

Selon Stéphanie Feron, cheffe de projet expérimentation RSA à Pôle emploi Nord, cette approche multidimensionnelle vise à offrir un accompagnement personnalisé à chaque allocataire. Tout cela en prenant en compte leurs spécificités et leurs aspirations professionnelles.

En attendant, la réforme du RSA, qui conditionne désormais son attribution à des heures d’activité hebdomadaires, suscite de vives discussions.

Les engagements hebdomadaires au cœur du débat

S’engager dans un parcours d’activité n’est pas une option, c’est une obligation. Mais comment cela se concrétise-t-il avec les 15 à 20 heures d’activité hebdomadaires ? Comment ces engagements sont-ils concrètement mis en place ? 

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Il faut savoir que derrière les nouvelles méthodes de suivi, une règle commune s’impose à tous les bénéficiaires : ces heures doivent être réalisées. Chaque bénéficiaire du RSA signe un « contrat d’engagement réciproque » avec son référent. Ils ont prévu des sanctions en cas de non-respect du parcours. 

« Au premier rendez-vous manqué sans justification, c’est 100 € d’allocation en moins, et au deuxième rendez-vous manqué, l’allocation est suspendue », précise Doriane Bécue, vice-présidente du département et maire (DVD) de Tourcoing.

Ces mesures coercitives avaient été évoquées par Élisabeth Borne. La première ministre avait toutefois assuré qu’elles ne seraient appliquées qu’après avoir résolu les problèmes préalables. Il a notamment été mention des contraintes périphériques ou les difficultés liées à la garde des enfants.

En tout cas, les premiers retours à Tourcoing sont encourageants. Selon Doriane Bécue, les résultats sont positifs. Il n’y a pas eu de cas de non-mobilisation jusqu’à présent, et les bénéficiaires se montrent réceptifs. Depuis avril, ils ont reçu 300 allocataires, et ont maintenu contacts réguliers avec les référents, au moins une fois par semaine.

Il est important de souligner que les démarches ne se limitent pas à du travail gratuit. Elles peuvent prendre la forme d’ateliers, de formations, ou encore de temps consacré à des activités telles que passer le permis de conduire, contacter les bailleurs sociaux ou apprendre le français. 

RSA et heures d’activité : Des interrogations persistent sur la généralisation du dispositif

Les craintes liées à l’apparente dissimulation de travail seraient-elles sans fondement ? Selon Virginie Lasserre, Préfète déléguée pour l’égalité des chances, il est essentiel d’intégrer des périodes d’immersion en entreprise aux heures d’activité. Elles représentent une véritable opportunité pour les demandeurs d’emploi, souligne-t-elle dans un article du Parisien.

Cependant, cela nous ramène à notre point de départ et à une inquiétude persistante. En effet, les préoccupations initiales demeurent quant à l’alignement entre le RSA et les emplois non pourvus. 

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Au lancement du projet, Denis Gravouil, secrétaire général de la Fédération nationale CGT des syndicats du spectacle, avait quelques craintes. Il avait notamment exprimé ses inquiétudes quant à la possibilité que les activités se limitent exclusivement aux entreprises et aux collectivités, sans offrir de réelles possibilités de formation pour les allocataires.

La mention des « besoins du territoire » et de l’implication des agences de placement et d’intérim dans le rapport de préfiguration de France Travail, l’organisme prévu pour succéder à Pôle emploi en 2024, alimente la polémique. Sans parler de l’obligation d’inscription des allocataires du revenu minimum à cette nouvelle entité par le biais d’un contrat d’engagement unique, qui s’appliquera tant aux chômeurs qu’aux bénéficiaires du RSA.

Les spécialistes expriment leurs inquiétudes

Les réformes en cours suscitent des interrogations. De nombreux spécialistes se montrent sceptiques quant à la capacité du gouvernement et des établissements publics à mettre en place des dispositifs d’accompagnement efficaces. 

Dans un article du Monde, Antoine Foucher, président du cabinet Quintet Conseil, souligne la difficulté de trouver des solutions sur mesure malgré de bonnes intentions. De son côté, Yves Faucoup, ancien cadre du travail social, va encore plus loin dans ses propos. Il a tout bonnement remis en question la faisabilité des 15 à 20 heures d’activité obligatoires pour les bénéficiaires du RSA.

« Cet engagement [d’activité] suppose un accompagnement social et professionnel. C’est du moins ce qu’indiquent les textes en vigueur depuis trente-cinq ans, sauf que les sommes qui y sont consacrées sont passées de 20 % du montant des allocations dans les années 1990 à 7 % aujourd’hui […] 1,8 million de foyers perçoivent le RSA : la règle des quinze à vingt heures d’activité obligatoires est irréalisable », dit-il.

Ces inquiétudes sont renforcées par l’exemple du contrat d’engagement jeune (CEJ), qui propose déjà un programme similaire intensif. Malheureusement, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) publié le 26 avril dernier n’est pas très encourageant. Apparemment, plus d’un tiers des jeunes ne parviennent pas à atteindre le minimum de 15 heures d’activité. Et pour ne rien arranger, 20 % effectueraient même moins de cinq heures.

Selon Antoine Dulin, président de la commission de l’insertion des jeunes au Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ), l’amélioration de l’accompagnement du RSA sur le modèle du CEJ nécessiterait des moyens financiers conséquents. Les estimations s’élèvent à dix milliards d’euros, bien loin des deux milliards prévus par le gouvernement. Il rappelle également que le CEJ coûte plus de 2 000 euros par bénéficiaire et par an.

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Que faire alors ?

Finalement, ces éléments soulèvent des doutes quant à la pertinence du calque du CEJ pour le RSA conditionné. Il faut dire que les défis de l’accompagnement et les contraintes budgétaires sont bien réels. Des questions se posent alors quant à la faisabilité et à l’efficacité de cette réforme ambitieuse. 

Quoi qu’il en soit, les prochains mois seront cruciaux pour évaluer l’efficacité de cette nouvelle approche de la réforme. Ils permettront de déterminer si elle peut véritablement offrir une solution durable pour l’insertion professionnelle des bénéficiaires du RSA. Qui sait ? Peut-être que les résultats obtenus à Tourcoing permettront de guider les évolutions futures du dispositif au niveau national.

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