Téléphone sur écoute : les avocats s’inquiètent de cette technique policière

Les avocats s’inquiètent de cette technique policière qui peut activer à distance votre téléphone pour le mettre sur écoute. Explications.

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Dans quelques semaines, un policier pourrait avoir la possibilité d’activer votre téléphone portable pour écouter et voir ce que l’appareil capte jour et nuit. C’est ce que prévoit la loi de programmation et d’orientation de la justice 2023-2027 que prépare Éric Dupont-Moretti.

Une évolution des techniques spéciales d’enquête

L’évolution de la technologie pourrait également profiter aux magistrats grâce au projet de loi de programmation et d’orientation de la justice. En effet, ils pourront y adapter leurs enquêtes en recourant à des pratiques réservées aux investigations portant sur des soupçons d’infractions graves.

Ce texte est actuellement en cours d’examination au Sénat avant que l’Assemblée nationale n’en débatte. Son article 3 prévoit l’amélioration des règles sur l’enquête, l’instruction, le jugement et l’exécution des peines. Dans ce cadre, les techniques spéciales d’enquêtes pourraient évoluer.

Ce qui permettra à l’enquêteur d’activer à distance un appareil électronique pour le géolocaliser et capter ses sons et images. Donc, sans que vous le sachiez, votre téléphone portable, votre ordinateur ou votre voiture pourraient devenir de vrais espions.

Téléphone
Un homme âgé se plissant les yeux et lisant un message avec des lunettes à la maison – Crédits photos : iStock

En effet, sans votre consentement, le procureur de la République pourrait demander au juge des libertés l’autorisation de recourir à cette pratique.

Téléphone : un processus strictement encadré

Cela étant, ce processus fera l’objet d’un strict encadrement. En effet, il ne sera possible au procureur d’y avoir recours que si l’enquête porte sur un crime ou un délit d’une gravité particulière. Soit un crime ou un délit puni d’au moins 5 ans de prison.

Il s’agit là d’affaires de meurtres aggravés ou des actes de terrorisme. Et ce, sans oublier les affaires concernant les crimes et délits du fait de la criminalité organisée. En outre, certaines catégories professionnelles ne feront pas l’objet d’une telle technique, à savoir les députés, les sénateurs, les avocats et les magistrats.

De plus, le procureur ne pourra pas non plus la déclencher si l’appareil se trouve dans des lieux protégés par la loi. Entendez par là : les cabinets ou le domicile d’un avocat, cabinet d’un médecin, locaux d’une entreprise de presse ou d’une juridiction.

Notons que la loi permet déjà de placer des micros pour sonoriser l’intérieur d’une voiture dans les enquêtes portant sur la criminalité organisée. Elle permet aussi la géolocalisation d’un téléphone portable à l’insu et donc sans le consentement de son propriétaire.

L’activation à distance : l’avis des avocats de Paris

Cependant, les avocats ne voient pas ce texte d’un bon œil. En effet, ces derniers craignent un risque d’atteinte à la vie privée, qui est pour eux inacceptable. Le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris, consulté dans le cadre de la préparation de cette loi, a rendu un avis négatif.

« Cette possibilité nouvelle de l’activation à distance de tout appareil électronique dont le téléphone portable de toute personne qui se trouve en tout lieu constitue une atteinte particulièrement grave au respect de la vie privée qui ne saurait être justifiée par la protection de l’ordre public », peut-on lire dans le Communiqué du Conseil de l’Ordre des avocats du Barreau de Paris du 17 mai 2023.

Les avocats de Paris soulignent que c’est contraire au secret professionnel et aux droits de la défense. Ils s’appuient également sur la Constitution, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Sans oublier la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’avis du Conseil d’État est quant à lui partagé à propos de ces nouvelles dispositions. En effet, ce dernier propose de limiter ces activations en fonction de qui dirige l’enquête.

Si c’est un procureur, l’activation à distance sera de 15 jours. Elle sera par contre d’un mois s’il s’agit d’un juge d’instruction. Les parlementaires vont débattre de cette nouvelle mesure au mois de juin, avec l’intégralité de ce texte important pour l’institution judiciaire.

Augmenter les moyens de la justice

Outre l’activation à distance d’un téléphone portable ou autre appareil électronique, ce projet de loi prévoit d’autres mesures. L’objectif étant de simplifier et d’améliorer la procédure et l’organisation de la justice. Pour rappel, le garde des Sceaux a présenté ce texte en janvier 2023 avec un projet de loi organique pour moderniser le statut de la magistrature.

Parmi les dispositions de ce projet de loi :

  • Des mesures de simplification de la procédure pénale
  • Des dispositions favorisant la peine de travail d’intérêt général
  • D’autres mesures dans les domaines du droit civil, pénal, pénitentiaire, économique et social

Notons que le texte prévoit également d’augmenter les moyens humains et budgétaires de la justice. Ces moyens ont par le passé déjà fait l’objet d’un renforcement via la loi du 23 mars 2019.

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