Le Secours catholique tacle la réforme de l’assurance-chômage : « Cette succession d’annonces hostiles »

Dans une France fragilisée par les crises économiques, les associations qui agissent sur le terrain constatent une précarité grandissante. Le Secours Catholique a décidé d'interpeller le chef de l'État.

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Depuis 2022, la situation financière des ménages ne cesse de se dégrader dans l’hexagone. L’inflation rend les achats en supermarché difficiles. Les factures d’énergie ont augmenté. Et hormis le SMIC qui a connu des revalorisations, les salaires ont tendance à stagner. Pour les foyers modestes, les temps sont particulièrement durs. Et les associations constatent un accroissement du nombre de personnes en détresse. Mais le gouvernement ne semble pas décidé à faire le moindre cadeau. Bruno Le Maire a déjà appelé à la fin de l’État providence. Quant à Gabriel Attal, il a lancé une réforme de l’assurance-chômage plutôt stricte. De quoi pousser le Secours catholique à s’émouvoir.

Cette structure, présente sur tout le territoire français, a plusieurs champs d’action. Elle intervient auprès des sans-abris, des familles, des personnes âgées et même des prisonniers. Accueil, distribution alimentaire, aide à la mobilité, accompagnement administratif… Le Secours catholique s’engage chaque jour en première ligne face à la misère. Mais en découvrant les nouvelles règles bientôt en vigueur pour l’assurance-chômage, Véronique Devise, la présidente nationale de l’association, est sortie de ses gonds. Révoltée, elle a décidé d’adresser une lettre ouverte à Emmanuel Macron. On fait le point !

Le Secours Catholique charge le président de la République

Depuis 2017, notre pays a connu de nombreuses crises. Dont certaines ont durablement marqué la population. Comme le mouvement des gilets jaunes, la pandémie de COVID-19 ou encore la lutte contre la réforme des retraites. Tranquillement, mais sûrement, la réforme de l’assurance-chômage, elle, sera bouclée au 1ᵉʳ juillet prochain. Avec un durcissement des conditions à remplir pour toucher des indemnités de France Travail. Ainsi, il faudra avoir travaillé au moins 9 mois (au cours des 24 derniers mois) pour avoir droit à une allocation de retour à l’emploi. Contre 6 mois aujourd’hui. Le Secours Catholique y voit une sorte d’acharnement. Dans une période déjà critique pour de nombreux ménages.

« Un peu partout en France, les 3 000 équipes du Secours Catholique se tiennent, bénévolement, aux côtés des personnes en difficulté, pour leur apporter un peu de chaleur, de réconfort, une aide, un compagnonnage pour qu’elles trouvent la force d’aller de l’avant. Mais de plus en plus, ces équipes témoignent d’un sentiment d’impuissance quand elles sont débordées par la hausse des demandes d’aides, ou quand leurs appels au 115 sont vains. Une forme d’épuisement les gagne quand, sur elles, repose l’accompagnement de personnes ou de familles isolées qui se heurtent à un mur administratif. »

Dans une France très clivée au niveau politique, l’association a tout de même une certaine légitimité. Ces derniers temps, elle a tout tenté pour échanger avec le gouvernement. Mais ces essais n’ont rien donné de concret. Si bien que le Secours Catholique, qui n’est pas un mouvement révolutionnaire, ne peut plus garder le silence face à l’inaction des pouvoirs publics. D’une certaine manière, les cadres et bénévoles ont le sentiment que les plus modestes n’en finissent plus de se faire taper sur les doigts.

« Au niveau national, notre association se fait régulièrement le relais des constats et analyses du terrain, toujours dans un esprit de dialogue et de proposition. Mais à notre tour, nous avons le sentiment de nous heurter à un mur.« 

Des espoirs déçus…

Ni de droit, ni de gauche, résolument moderne et ouvert… Voilà comment se présentait Emmanuel Macron lors de sa première campagne, il y a 7 ans. À l’époque, le futur président avait pris de nombreux engagements. Notamment concernant les SDF. Mais le temps passe, et le Secours Catholique ne remarque plus aucune embellie pour les plus pauvres :

« Deux ans après votre réélection, nous tenons à vous alerter sur la gravité de la situation. De parents pauvres de vos orientations politiques, les personnes les plus vulnérables de notre société semblent être devenues une cible. La cible des économies budgétaires. La cible de discours de plus en plus culpabilisateurs. La cible de politiques qui rendent leur quotidien toujours plus difficile. »

En effet, dans un pays où certains fustigent l’assistanat, peu de gens sont montés au créneau face à la nouvelle réforme de l’assurance-chômage. Les syndicats ont tenté d’alerter. Certains militants de gauche ont essayé de lancer mobilisation. Mais le cliché du sans-emploi profiteur reste bien ancré dans les mentalités des Français. Et même dans le discours des ministres.

« La réforme de l’assurance chômage voulue par le Premier Ministre, qui affaiblirait à nouveau les droits des chercheurs d’emploi, n’en est que la plus récente manifestation. Auparavant, la loi « plein emploi » a introduit de nouvelles conditions pour l’obtention et le maintien du RSA. La loi immigration va durcir encore les conditions de vie des étrangers. En janvier, le ministre des Finances a annoncé l’abandon de votre promesse d’un chèque alimentaire, qui devait permettre à nos concitoyens de se nourrir dignement. En février, votre gouvernement a choisi d’affaiblir la loi SRU. Alors que les ménages modestes ont tant besoin de logement très social. »

Le Secours Catholique dresse un triste constat

Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour des foyers affaiblis par l’inflation. Avec une seule injonction : se débrouiller, pour sortir dans la précarité. Avec moins de prestations sociales. Et moins de services publics dans les territoires. Le Secours Catholique a donc haussé le ton, pour faire réagir Emmanuel Macron.

« Trop, c’est trop. Pour le Secours Catholique, cette succession d’annonces hostiles aux personnes vivant la précarité n’est pas acceptable. Les personnes que nous rencontrons consacrent beaucoup d’énergie et de charge mentale à organiser leur survie et à prendre soin de leurs proches. Elles font preuve d’une incroyable résilience, mais elles nous disent aussi leur fatigue et leur colère devant les discours qui les montrent du doigt, qui les tiennent pour seules coupables de leurs difficultés. Quand ils ne leur font pas porter aussi la responsabilité des problèmes d’éducation, de sécurité ou d’équilibre budgétaire de notre pays. »

Alors même que le chef de l’État fait mine de s’intéresser aux familles monoparentales, l’association souligne la précarité de ces foyers.

« La majorité des personnes rencontrées par le Secours Catholique sont des femmes. Souvent des mamans. Leur première demande est d’être écoutées, considérées. Car la pauvreté isole et peut nourrir un sentiment d’échec ou de honte. Leur seconde demande est alimentaire. Ces personnes aux vies cabossées ne bloquent ni les autoroutes, ni les rails, ni les ronds-points. Le faudrait-il, pour qu’elles soient entendues ? »

Si le Secours Catholique fait tout pour soulager la détresse des plus vulnérables, Véronique Devise rappelle que l’État a bien une mission à assurer. Elle estime que les récentes mesures portées par l’exécutif ont plutôt tendance à cliver la société. En opposant les plus modestes à la classe moyenne, en plein déclassement depuis quelques années…

« Pour le Secours Catholique, le rôle du politique est d’aider notre société à traverser les épreuves en étant soudés, solidaires. Il n’y a pas de citoyens de seconde zone. C’est pourquoi nous attendons du politique qu’il rassemble. Et non qu’il pointe du doigt, qu’il protège et non qu’il rende plus vulnérables. (…) Les associations continueront de prendre leur part. Mais il est temps de montrer que le gouvernement cherche à renforcer la cohésion sociale et non à creuser les inégalités. Les prochains choix budgétaires à venir devront en être le signe. »

Il ne s’agit pas du premier recadrage adressé à Emmanuel Macron par des acteurs du monde associatif. Handicap, protection de l’enfance, lutte contre les violences conjugales… Après sept ans à l’Élysée, sa politique a causé un mécontentement grandissant. Y compris parmi les plus modérés.

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