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Certains disent que les criminels n’ont pas d’excuse. D’autres pensent qu’on peut expliquer leurs méfaits par plusieurs facteurs sociaux (pauvreté, problèmes familiaux…). Mais une chose est sûre : bien souvent, on enfreint les lois par cupidité. Voilà pourquoi désormais, la justice a la possibilité de saisir plus ou moins définitivement les biens et les fortunes de certains malfrats. Une peine qui, pour certains, fait bien plus mal qu’un séjour à l’ombre. Bijoux, immobiliers, voitures de sport et montres luxes peuvent finir dans les mains des autorités. Qui peut ensuite décider de les revendre ou de redistribuer.
« C’est un levier extrêmement puissant de la répression. (…) Prenez les trafiquants de drogue : pour eux, la prison fait partie des risques du métier, au même titre que la saisie de leurs produits ou l’interpellation de leurs petites mains. S’en prendre à leur richesse est beaucoup plus efficace, car ce sont des businessmans, des hypercapitalistes. », explique Olivier Caracotch, qui exerce comme procureur de la République de Dijon, contacté par Capital.
Tout a commencé en 2010, par un texte porté par le député Jean-Luc Warsmann. Cet élu du groupe LIOT siège toujours à l’heure où nous écrivons ses lignes. Il a proposé cette loi à plusieurs reprises. Le but ? Faciliter les saisies et confiscations des avoirs des criminels par la justice. Or, le parlementaire qui représente les Ardennes a fini par convaincre l’Assemblée nationale et le Sénat. Aussi, depuis juin 2024, le juge peut parfaitement s’en prendre aux biens de ceux qui commettent des crimes. On fait le point !
Justice : une mesure prometteuse pour lutter contre le crime ?
Cette nouvelle loi permet également aux autorités de revendre facilement les biens confisqués. Même s’il s’agit d’immenses villas ou de luxueux manoirs. Une bonne nouvelle quand on sait que l’entretien de telles demeures revient très cher. Mais ce n’est pas tout : dans certains cas, les biens confisqués par la justice peuvent rendre service à la collectivité. Ainsi, pendant les JO de Paris 2024, les policiers ont pu s’appuyer sur des centaines de drones saisis à des criminels.
Dernièrement, à Marseille, un immeuble autrefois détenu par un malfrat accueille désormais une association, qui aide les femmes victimes de violences. Alors, certes, bien mal acquis ne profite jamais… Mais peut-être qu’avec l’intervention de la justice, ces richesses peuvent finir par atterrir entre de bonnes mains.
Cela dit, cette méthode a ses limites. À présent, les autorités ont la possibilité de débusquer l’argent des criminels sur leurs comptes bancaires (N26 et Revolut inclus) et même les cryptomonnaies. Cela dit, identifier ces objets de valeur et ces fortunes, représente beaucoup de travail. Et les policiers sont déjà débordés.
« Pas pour les services de terrain qui croulent déjà sous les dossiers. (…) D’autant que cette charge de travail supplémentaire exige une certaine technicité. », déclare Yann Bastière, délégué national du syndicat policier Un1té. « C’est un sujet très technique et chronophage. », confirme Matthieu Bonduelle, juge à la Junalco.
Et après ?
Du côté de la justice, on constate que la confiscation des avoirs entraîne de fortes réactions du côté des criminels.
« Les saisies se révèlent très efficaces, car très douloureuses pour les criminels. La preuve, c’est qu’ils sont prêts à saisir la Cour de cassation, voire la Cour européenne des droits de l’homme, pour reprendre possession de leurs biens. », révèle Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille.
Mais pour certains avocats, cette méthode pose de gros problèmes, au niveau du droit.
« Avec la nouvelle loi, on cherche à développer l’aliénation des biens dès le début de la procédure, au mépris de la présomption d’innocence. », commente Me Matthieu Hy.
Cela dit, une autre difficulté subsiste, pour l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). En effet, l’organisme manque d’experts pour estimer et recenser les biens confisqués. Aussi, tout cet argent ne peut pas toujours être redistribué efficacement.
« Il faudrait un spécialiste dans chaque juridiction, ce serait rentable pour l’Etat. », précise un magistrat, aux journalistes de Capital.