Emploi : France Travail veut séduire les entreprises

Il y a encore quelques mois, les chômeurs dépendaient de Pôle emploi. Mais l'organisme, devenu France Travail, entend bien convaincre les recruteurs.

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Par le passé, Pôle emploi avait déjà tenté de se positionner comme un outil aux services des employeurs. Relayant leurs annonces, pour remettre les chômeurs au travail. Mais avec le temps, beaucoup de recruteurs ont fini par délaisser la plateforme. En cause ? Une interface peu maniable et des candidatures pas toujours pertinentes.

Mais depuis janvier dernier, l’organisme a changé de nom pour devenir France Travail. Le concept reste le même : tout faire pour aider les demandeurs d’emploi à se réinsérer. Et pour y parvenir, l’agence a lancé France Travail Pro, le 24 octobre dernier. L’objectif ? S’imposer comme un interlocuteur privilégié pour les entreprises qui veulent recruter !

France Travail s’adresse à ceux qui embauchent

Pour y parvenir, l’organisme a déjà mobilisé 6 000 conseillers tournés vers les entreprises. Ces agents ont une mission : prospecter et fidéliser les recruteurs. Afin de relayer leurs offres d’emploi. En mettant les bouchées doubles par rapport à l’année dernière. Au cours de leurs visites, ils doivent recueillir les besoins des employeurs. Mais aussi leur offrir des outils spécifiques, pour dénicher les meilleurs candidats.

  • Repérer les aides financières proposées à l’embauche
  • Essayer des méthodes de recrutement par simulation
  • Accueillir des chômeurs en immersion pour leur faire découvrir le métier
  • Déceler les compétences des candidats
  • Mener les processus de recrutement et proposer des formations.

En plus de ses actions menées auprès des entreprises, l’agence pour l’emploi a aussi lancé une vaste campagne de communication. Cela dit, cette démarche soulève certaines questions. En effet, parmi les employeurs qui se tournent déjà vers France Travail, 87 % d’entre eux se déclarent satisfaits. Même si chez les TPE (moins de dix salariés), seules 20 % des sociétés ont recours au dispositif. Ce chiffre grimpe néanmoins à 67 % pour les structures ayant 200 salariés ou plus. Bien entendu, on parle ici de services totalement gratuits…

Emploi : pourquoi certains recruteurs boudent France Travail ?

En règle générale, les entreprises de moins de 50 salariés se basent sur le bouche-à-oreille ou le réseau personnel pour embaucher. Mais il y a aussi d’autres facteurs qui expliquent pourquoi elles ne transmettent pas leurs offres d’emploi à France Travail. Pour mieux comprendre, le cabinet SIA Partners a mené l’enquête entre février et mars dernier. Voici ce que cette étude démontre :

  • Les recruteurs ne savent pas toujours qu’il existe des conseillers spécialement dédiés aux entreprises avec des emplois à pourvoir.
  • Ces derniers ont tendance à avoir un « jugement sévère sur la qualité du sourcing ». En clair, les candidats qu’on leur envoie via France Travail ne leur donnent pas satisfaction.

Comment expliquer cet échec ?

Pour mieux comprendre ce phénomène, Le Monde a interrogé un chef d’entreprise ayant déjà sollicité France Travail pour certains postes. Manifestement, il n’a pas trouvé son bonheur parmi les demandeurs d’emploi orientés vers lui.

« L’an dernier, on a retesté leur service car les agences d’intérim ne parvenaient pas à nous trouver suffisamment de chauffeurs routiers. France Travail nous avait proposé d’organiser un rendez-vous sur notre site et promis de nous envoyer neuf candidats pour rencontrer nos équipes. Finalement, un seul s’est présenté et on ne l’a jamais revu. »

Forcément, avec de telles expériences, les recruteurs ont recours à d’autres solutions.

« On continue de privilégier l’intérim ou Leboncoin pour les postes d’employé ou d’ouvrier, car c’est là que l’on trouve des gens motivés. », confie cet employeur dans les colonnes du Monde. 

Il faut dire que contrairement aux plateformes privées, France Travail a aussi un rôle social. De ce fait, l’organisme accompagne tous les demandeurs d’emploi. Y compris lorsque leur profil n’est pas le plus attractif. Il ne s’agit pas de placement, mais bien d’insertion. Or, beaucoup de bénéficiaires ont peur de perdre leurs allocations s’ils ne postulent pas aux offres transmises par leur conseiller. Résultat : le processus de recrutement n’aboutit pas, car il ne s’agit pas d’emplois qui correspondent à leur parcours. Ce qui fait perdre du temps aux recruteurs comme aux candidats.

Mais les entreprises se plaignent aussi de l’interface du site France Travail.

« D’après les retours de PME, les filtres de France Travail servant à identifier les compétences ne permettraient pas un ciblage suffisant. », confie Ludivine Adla, qui a publié Management des ressources humaines en PME, en 2022.

Emploi : les dispositifs qui marchent

Or, du côté des agences d’intérim, on n’hésite pas à envoyer les candidats les plus employables. Il s’agit d’un service payant et non d’un service public pour remettre les chômeurs à l’emploi. Dans ce contexte, on comprend pourquoi les recruteurs y trouvent leur compte. Comme les candidats le savent, ils privilégient aussi l’intérim et les sites comme Indeed. Et la boucle est bouclée.

Même constat chez les cadres, qui actualisent régulièrement leurs profils via LinkedIn. Sur ce réseau social dédié aux pros, les recherches d’emplois et les candidatures se font de façon très fluide.

« [le site] permet tant aux employeurs qu’aux actifs de publier de manière très libre. Ainsi, ils en apprennent les uns sur les autres bien plus vite qu’avec un site classique de recherche d’emploi, ce qui facilite les recrutements. », précise Ludivine Adla.

Difficile pour France Travail de rivaliser avec les géants du numérique, quand ils se spécialisent dans les offres d’emploi. D’autant que l’an prochain, l’organisme devrait perdre des centaines d’agents, à la suite de suppressions de postes. De son côté, Jean-Michel Pottier, qui administre France Travail, reste positif.

« On corrige progressivement les erreurs du passé. La spécialisation de certains conseillers sur les entreprises, la mise à disposition d’outils de suivi et d’aide au recrutement jusque dans les TPE améliorent la situation. Le lancement de France Travail Pro suscite des attentes encore plus élevées mais cela va être un vrai défi de les satisfaire. »

Sources : lemonde.fr

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