Violence conjugale : la justice exige que la victime remette son bébé à son ancien compagnon

En 2024, les violences conjugales font encore des ravages dans beaucoup de couple. Pour autant, cela ne signifie pas nécessairement que les enfants soient hors de danger...

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Au 9 juin dernier, l’association Nous toutes avait déjà recensé 62 féminicides rien que pour l’année 2024. Un bilan sordide qui s’alourdit jour après jour. Le plus souvent, le décès survient après les coups d’un compagnon, d’un mari, d’un ex-conjoint. Des drames qui se succèdent les uns aux autres. Souvent, la victime meurt après avoir déposé des plaintes, bien trop vite classées. Avant que le pire n’arrive, les victimes de violences conjugales doivent composer avec une justice soupçonneuse.

C’est l’enfer que traverse Ivana. Cette jeune française a vécu une idylle avec un homme d’origine kosovare, réfugié en Belgique. Le couple a donné naissance à un petit garçon, prénommé Anur. Décidée à protéger son fils d’un environnement familial violent, la jeune maman a fui son foyer pour s’installer chez ses parents. Les violences conjugales, elle en garde de nombreuses traces. Des bleus, immortalisés par son appareil photo. Des témoignages de ses proches. Ce n’est pas assez pour convaincre les tribunaux. La France vient d’accepter la requête de la justice belge : ramener l’enfant en Belgique, auprès de son père. Une affaire comme tant d’autres. Qui prouve que le principe de précaution ne s’applique pas toujours…

Violences conjugales : la justice n’a pas tenu compte de la plainte d’Ivana

Contactée par Le Parisien, Ivana décrit un compagnon violent. Adepte des jeux d’argent. Et ayant la main lourde. Car il ne souhaitait pas entendre le bébé pleurer. Et n’hésitait à passer ses nerfs sur le jeune maman. Après des mois de maltraitance et d’humiliation, Ivana a décidé de dire stop. Dans l’intérêt de l’enfant, elle a néanmoins accepté d’organiser régulièrement des rencontres avec le père de ce dernier. Pendant plusieurs mois, son ex-compagnon a ainsi tenté de la persuader de se remettre en couple avec lui. Décidée à tournée la page des violences conjugales pour de bon, la jeune femme a alors choisi d’assigner le jeune papa devant un juge aux affaires familiales. Mais lorsqu’il comprend qu’elle refuse de reprendre leur relation, il dépose une plainte. Afin que son fils soit immédiatement ramené en Belgique.

« Il veut me prendre toutes les petites choses qu’il peut me prendre. », se désole Ivana.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, en France, le procureur a malencontreusement classé sa plainte.

« Classée sans suite par erreur. », reconnaît le procureur.

Impossible, donc, de transmettre cette affaire de violences conjugales à la justice belge. Résultat ? La jeune femme a l’obligation de ramener son enfant à son ex-compagnon. Car pour l’heure, ce dernier garde l’entièreté de ses droits sur le petit garçon.

« [l’enfant a] vécu de manière stable en Belgique, avec ses parents, de sa naissance jusqu’à son déplacement en France en juin 2023, sa résidence habituelle se situe donc en Belgique. », note la justice française le 13 juin dernier.

On reproche à la victime d’avoir quitté le domicile de son bourreau présumé avec son bébé, sans obtenir son accord (sic.).

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Et après ?

Le jeune Anur, âgé de 2 ans, va rejoindre son père ce dimanche 23 juin. Un déchirement pour la mère. Et un verdict inquiétant pour son avocate.

« Elle renvoie Madame dans la gueule du loup : elle préférera prendre des coups plutôt que d’être coupée de son fils. »

L’historique de violences conjugales importe peu en l’absence de preuves sur les dangers qui guettent l’enfant.

« Pour qu’il n’y ait pas de retour dans le pays il faut démontrer que l’enfant est exposé à un grave danger au côté du parent qui en demande le retour. »

Le père, de son côté, dément les accusations portées contre lui. Il souligne même que son ex-compagne a posté des selfies sur lesquels elle sourit. Ce qui, selon les magistrats, démontre l’absence de coups. La victime présumée, elle, redoute le pire concernant l’avenir de son fils.

« …qu’il emmène mon fils au Kosovo et que je ne le revois jamais. »

En attendant que les violences conjugales, qu’elle dénonce depuis des mois, soient prises au sérieux, Ivana doit se résoudre à respecter le jugement. Et à expliquer la situation au garçonnet.

« Il sent que quelque chose se passe et moi je compte les heures jusqu’à ce qu’il vienne me le prendre… »

Violence conjugale et droit de garde : que dit la loi ?

Même pour les couples divorcés et séparés en France, les coups d’un conjoint ne conduisent pas toujours à la perte de ses droits en tant que parent. Il garde son autorité parentale. Et la justice fait tout pour maintenir le lien avec ses enfants. Même condamnée, une personne coupable de violences conjugales peut demander des visites de ses enfants en prison. De l’autre côté, les parents inquiets, qui ne respecteraient pas les droits de visite et de garde d’un ex-partenaire violent, risquent gros. L’an dernier, 27 personnalités ont publié une tribune pour dénoncer cet état de fait. Faisant valoir l’intérêt des enfants et des victimes de violences conjugales. Mais pour l’heure, l’idée d’un principe de précaution pour préserver les plus jeunes n’est pas à l’ordre du jour. Une loi est bien entrée en vigueur en 2020. Mais avec des plaintes classées, les victimes de violences conjugales ont peu de chance d’avoir gain de cause. Pour agir, les magistrats exigent des faits et des condamnations. Des décisions impossibles à obtenir dans l’immédiat en cas de danger.

Une situation largement dénoncée par le collectif Incesticide. Qui défend les mères d’enfants victimes d’inceste.

« La stratégie de l’agresseur – « Si tu parles, on va te retirer les enfants. C’est toi qui ira en prison. » – est confortée par le réel puisque, de fait, les mères ne sont pas crues et condamnées. »

Un constat qui semble aberrant, mais qui concerne des centaines d’affaires, rien que dans l’hexagone.

Sources : leparisien.fr

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