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Depuis l’hiver dernier, Judith Godrèche joue un grand rôle dans la libération de la parole des victimes. Quelques semaines après la sombre affaire Depardieu, elle a dénoncé des abus commis Benoît Jacquot et Jacques Doillon à encontre. Alors qu’elle était encore adolescente. Ce triste vécu, l’actrice a décidé de le révéler au grand jour. Lors de la cérémonie des César 2024, elle n’a pas eu peur de faire face à tout un milieu. Car elle ne porte pas seulement son histoire.
Durant le dernier festival de Cannes, elle a dévoilé son court-métrage Moi Aussi. Un film qui met à l’honneur des centaines d’autres victimes. Des personnes qui ont contacté Judith Godrèche. Et qui ont finalement trouvé le courage de briser le silence, parfois après de longues années. L’engagement de l’actrice a même débouché sur la création d’une commission d’enquête sur les violences sexuelles dans le milieu du 7ᵉ art. Stéphane Gaillard, célèbre directeur de casting qui porte le mouvement MeToo Garçons y a même participé le 6 juin dernier. Or, avec la dissolution de l’Assemblée nationale, ordonnée par Emmanuel Macron après les élections européennes, cette belle initiative est à l’arrêt…
Judith Godrèche veut encore y croire
Quelques heures après la décision du président, la comédienne était parmi les premières à alerter le public. Ce 11 juin, elle a décidé d’en dire plus, en se livrant lors d’un entretien avec Marine Turchi (Mediapart). L’occasion pour Judith Godrèche de revenir sur le travail déjà accompli par la commission d’enquête.
« C’est un coup dur pour la possibilité que ce monde change. Parce que nous offrions enfin une plateforme pour pouvoir parler sans danger, de façon méthodique. Dans un cadre institutionnel protecteur. Et que nous allions mettre en place des propositions concrètes pour protéger l’ensemble de la profession. (…) Nous avons pu fournir un travail colossal d’audition. Avec des femmes et des enfants devenus adultes, des victimes qui dénoncent une mécanique généralisée de domination et d’omerta dans le monde du cinéma. »
Selon l’actrice, cette commission était salutaire, pour des personnes souvent écrasées par le silence. Inquiètes à l’idée de finir blacklistées dans le milieu audiovisuel. Ces craintes, Judith Godrèche les connaît bien.
« Il faut bien comprendre que les recrutements dans cet univers ne se font pas, comme ailleurs, sur la présentation de CV et de lettres de motivation : tout se fait par le bouche-à-oreille. Cela met en place des relations de travail très particulières. Cela incite au silence en créant une intimidation très profonde des victimes qui se retrouvent dans un calcul très difficile : parler pour dénoncer des violences, c’est prendre le risque de tout perdre. »
Quid de la commission après les législatives anticipées ?
La célèbre comédienne ne se fait pas d’illusion. Les élus d’extrême-droite, jusqu’ici, n’ont pas fait grand-chose pour le droit des femmes. Santé, accès à l’IVG, accompagnement des victimes… Voilà des sujets que ce bord politique a tendance à laisser de côté. Aussi, dans le cas où le RN aurait une majorité de députés, Judith Godrèche redoute le pire.
« Contre les violences, on sait bien qu’on ne peut pas compter sur l’extrême droite : en France comme en Italie ou ailleurs, elle menace directement les droits des femmes et des groupes minorisés. Lutter contre l’extrême droite, c’est donc aussi lutter contre les violences. Les victimes ne s’y trompent pas – et elles seront nombreuses à aller voter. Il n’est pas question de mettre en attente ou entre parenthèses ce combat. »
Elle préfère penser à l’après. Et maintenir la pression pour relancer la commission d’enquête dès que possible après le scrutin.
« Mais j’aimerais que tous les partis qui vont faire barrage à l’extrême droite s’engagent à relancer, dès le lendemain des élections, la commission d’enquête dont nous avions réussi à obtenir la création. Les victimes sont de tous les milieux. Leur mobilisation, ces derniers mois, est véritablement un engagement politique. Il ne faut donc pas les dégoûter de la politique en leur faisant comprendre que leur combat, ce n’est pas de la politique ! »
En cas de triomphe du RN, les choses pourraient bien prendre une tout autre tournure.
« Nous le savons, la lutte contre les violences envers les femmes n’est jamais portée par l’extrême droite. Au contraire. Il est donc important que soient élu·es des député·es qui voudront continuer le travail. Si toutefois ce n’était pas le cas, les victimes prendraient le relais et composeraient leur propre collectif. On ne peut pas dissoudre la lutte contre les violences. On ne peut pas dissoudre notre désir de justice. On ne peut pas dissoudre notre exigence d’égalité. »
Quelle que soit l’issue de cette séquence politique troublée, Judith Godrèche ne baissera pas les bras.
« Quoi qu’il arrive, on ne peut plus revenir en arrière. Il s’agit de dangers qui relèvent de la santé publique, et les autorités compétentes seront interpellées jusqu’à ce qu’il y ait un véritable changement. Le combat ne peut et ne doit pas s’arrêter là, les prochaines semaines seront décisives, et nous nous tenons prêtes. »