Depuis quelques années, les voyageurs le savent : pour utiliser les WC dans les gares SNCF, il faut payer. Si possible en pièces. Et via des automates, pour accéder aux toilettes. En échange, ils peuvent compter sur des sanitaires propres et entretenus. Et même si on y trouve des caisses automatiques, il y a toujours un employé sur place. Pour assurer l’accueil et le nettoyage des lieux. Il en va de même dans la gare Montparnasse, située en plein cœur de la capitale.
Ainsi, même si le terme paraît aujourd’hui un peu désuet, on trouve toujours des dames pipi en service. Autrefois, il était d’usage de laisser un pourboire, seule rémunération de ces travailleurs. Depuis, les choses ont un peu évolué. Désormais, la gestion de ces toilettes payantes revient à de grands groupes. À l’image de la société néerlandaise 2theloo. Or, récemment, la firme a fait scandale en rompant le contrat d’une salariée, en poste dans la gare Montparnasse. Forcément, la polémique a fait réagir le public, mais aussi certains élus. L’occasion de dénoncer les dérives des sociétés qui interviennent en sous-traitance pour la SNCF…
Gare Montparnasse : 2theloo devra rendre des comptes sur ce licenciement
De nos jours, tout est bon pour faire des économies. En particulier dans le secteur public. Les mairies ouvrent moins souvent. On redirige les citoyens vers des sites internet pour leurs démarches administratives. Dans certaines communes, on réduit même drastiquement la fréquence de ramassage des déchets. Entreprise publique, la SNCF n’échappe pas à cette tendance. Ainsi, la compagnie ferroviaire ne s’occupe pas de la gestion des toilettes pour les usagers dans les gares. Elle confie ce travail à des entreprises privées, via des marchés publics. On parle ainsi de sous-traitance. De ce fait, 2theloo intervient en tant que sous-traitant pour les WC de la gare Montparnasse. La société interdit à ses employés de recevoir des pourboires. Ceux qui accepteraient tout de même la monnaie des visiteurs sont donc considérés comme des voleurs par l’employeur.
Voilà comment une salariée, qui travaillait dans les toilettes de la gare Montparnasse depuis 10 ans, a perdu son travail du jour au lendemain. Son tour ? Avoir gardé 1 euro de pourboire, donné par un client. Précisons que ces emplois correspondent généralement à un salaire au SMIC.
« Ils m’ont dit: ‘pour nous, c’est un vol (…) Je suis licenciée pour un euro. C’est très dur, c’est un boulot qui n’est pas facile parce que les gens chient par terre. En fin de compte, pour un euro, ils me prennent et me jettent comme un rien. », a indiqué l’employée remerciée, dans une interview diffusée dans le JT de France 2, le 2 mai 2024. »
Bien sûr, ce licenciement pour faute grave va passer devant la justice. Et le conseil des Prud’hommes devra trancher sur le caractère abusif de ce licenciement. Or, 2theloo a déjà eu des ennuis similaires par le passé. Voici quelques exemples des faits reprochés à la société :
- Modification des emplois du temps des salariés, en dernière minute.
- Absence de visite médicale.
- Absence de siège pour les salariés.
- Temps de travail de 6 h, sans pause, ni possibilité de manger ou de boire dans un local adapté.
- Impossibilité d’aller aux toilettes pendant la durée du service pour les salariés.
- Refus de reprendre les salariés du sous-traitant précédent, ce qui est pourtant obligatoire en cas de marché public remporté par une nouvelle entreprise.
L’affaire de la gare Montparnasse fait donc suite à bien d’autres litiges, entre cette entreprise et ses employés. Thomas Portes, député LFI, ne cache pas sa colère :
« On sait sur une personne qui travaille depuis 10 ans, qui était aussi sur la société d’avant, parce que les prestataires se transfèrent les salariés quand ils gagnent les marchés. Et là, pour un euro de pourboire, cette personne est jetée, comme un kleenex. »
Il souligne une « dérive de la sous-traitance ». L’ancien cheminot dénonce une certaine complaisance de la part de la SNCF. Qui, selon lui, devrait garder un œil sur les sociétés avec qui elle met en place des conventions. Notamment sur les conditions du travail du personnel.
« C’est une entreprise qui se comporte avec des pratiques de voyous. Mais y a aussi un silence : celui de la direction de la SNCF. (…) Quand on a une sous-traitance, on a une conséquence, qui est la maltraitance sociale. », tacle le parlementaire, après avoir rappelé les nombreux démêlés judiciaires de 2theloo sur le plateau de BFMTV.