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La France, contrairement à d’autres pays, offre une prise en charge à ceux qui ne peuvent pas travailler à cause de leur santé. Cela passe notamment par des arrêts de travail. Délivrées par les médecins, ces attestations sont ensuite transmises à l’employeur ainsi qu’à la Sécurité sociale. L’objectif ? Maintenir les revenus de la personne en son absence. Ce dispositif vaut pour les salariés comme pour les agents de la fonction publique.
Mais ces derniers temps, les différences entre secteurs privé et public ont affolé les responsables politiques. Certains n’ont pas hésité à stigmatiser les fonctionnaires, qui bénéficieraient (selon eux) d’un traitement de faveur.
« Oui, il faut travailler sur le sens du travail, sur la santé et le bien être au travail mais rien ne justifie des règles différentes sur les jours de carence entre privé et public. », a déclaré Aurore Bergé, députée Renaissance, sur le plateau de CNEWS, jeudi dernier.
Sauf que si le gouvernement a revu les arrêts de travail, il ne s’est pas contenté d’uniformiser les conditions entre les salariés et les fonctionnaires. Il y aura donc des mauvaises nouvelles pour tout le monde, pour les jours de carences comme les indemnités versées…
Arrêts de travail : moins d’argent pour les travailleurs malades
Le débat autour de la loi de finances et du budget de la Sécu en 2025 se poursuit. Mais l’exécutif ne fait plus mystère de ses projets concernant les absences causées par la maladie. La première mesure phare portée par les ministres ? Baisser le plafond d’indemnisation des arrêts de travail. Aujourd’hui, la Sécurité sociale prend en charge jusqu’à 1,8 Smic. Prochainement, cette limite devrait passer à 1,4 Smic. Rappelons qu’il s’agit là du seuil maximum.
De nos jours, un salarié arrêté reçoit ses indemnités dans les conditions suivantes :
- Il n’a à rien pendant ses 3 premiers jours d’absence (on parle de délai de carence)
- Puis, il reçoit des indemnités journalières égales à 50 % du salaire journalier brut, divisé par 91,25. Pour le calcul, l’administration s’appuie sur les bulletins de salaires des 3 derniers mois.
- Même si un salarié gagne bien plus que 3 180,46 euros brut (1,8 Smic) par mois, il ne peut pas percevoir plus de 52,28 euros brut par jour lors d’un arrêt de travail.
- Si le gouvernement réduit le plafond à 1,4 Smic, les travailleurs n’auront droit qu’à 41,44 euros brut par jour.
Les fonctionnaires dans le viseur de l’exécutif
Beaucoup de Français se plaisent à croire que les agents du secteur public vivent oisifs, avec de gros avantages. De leur côté, les syndicats de la fonction publique dénoncent une campagne de dénigrement de la part du gouvernement. Quoi qu’il en soit, alors que les fonctionnaires ont actuellement 1 jour de carence pendant leurs arrêts de travail. Mais, ce délai risque de s’allonger jusqu’à 3 jours. L’exécutif veut également baisser leur indemnisation de 100 % à 90 %, lors des 3 premiers mois d’absence. Si cette annonce fait grincer des dents, il s’agit d’une mesure souvent suggérée ces dernières années.
« Ces propositions sont loin d’être nouvelles et reviennent dans le débat de manière récurrente. », commente Kathy Azevedo, avocate en droit social.
Arrêts de travail : ce que ces nouveautés vont vous coûter…
Salariés ou fonctionnaires, vous l’aurez compris : le durcissement des conditions risque d’impacter tout le monde dès 2025. Avec non pas plus de droits, mais bien un nivellement par le bas en ce qui concerne les arrêts de travail. C’est du moins ce que Capital a mis en évidence, en donnant la parole à plusieurs experts en droit du travail.
Le sort de ceux qui travaillent dans le secteur privé
De nos jours, beaucoup de salariés bénéficient d’aides versées par leur entreprise en cas d’absence. Ce qui complète avantageusement le traitement de la Sécurité sociale.
« Dans le privé, beaucoup de dispositions conventionnelles prévoient que la prise en charge d’une indemnité complémentaire par l’employeur s’opère dès le premier jour, souvent à hauteur de 90% ou de 100% de la rémunération du salarié. », explique Kathy Azevedo.
Cette prise en charge n’est pas obligatoire. Mais elle se retrouve couramment dans les grandes entreprises.
« Environ 70% des salariés ne subissent aucune perte de revenu en cas d’arrêt maladie de courte durée. », indique la Cour des comptes, dans un rapport sur les lois de financement de la Sécurité sociale.
Seulement voilà : si la Sécurité sociale indemnise moins, les entreprises devront payer plus pour maintenir la rémunération des salariés en arrêts de travail.
« Vouloir limiter l’indemnisation des arrêts de travail aura donc des conséquences pour l’employeur. », prévient Kathy Azevdo.
Non seulement les travailleurs perdront des dizaines d’euros à chaque absence pour raison de santé. Mais si jamais leur employeur doit verser plus d’indemnités complémentaires, cela risque d’entraîner un climat de contrôle vis-à-vis des travailleurs. Voilà à quoi mèneraient les projets de l’exécutif :
« [Ils] risquent de tendre les relations sociales au sein de l’entreprise. Il y a des chances pour qu’elles incitent les employeurs, amenés in fine à supporter une augmentation des cotisations, à multiplier les contre-visites et les contrôles pour vérifier le bien-fondé des arrêts maladie. », précise l’avocate.
Quid des arrêts de travail dans la fonction publique ?
Les fonctionnaires devront aussi composer avec une nette baisse de leurs revenus en cas d’absence pour raison de santé. Sur 5 jours d’arrêt de travail, avec une prise en charge de 90 %, pour un agent touchant 2 200 euros brut par mois, la perte s’élève à 288 euros. Et ce, en appliquant un délai de carence porté à 3 jours.
Des mesures vraiment efficaces ?
Le fait de serrer la vis doit théoriquement permettre aux finances publiques de dégager des économies. Cela dit, ce durcissement pourrait aussi s’avérer contreproductif.
« Les effets escomptés avec ce type de mesures ne sont pas toujours aussi importants qu’on le pense. Les salariés risquent de multiplier les arrêts plus longs. Il y aura un effet psychologique : quitte à être arrêté et ne pas être payé, autant que le salarié se remette vraiment et dans ce cas-là, il va demander un arrêt plus long. », note Kathy Azevedo.
Pire : les travailleurs ayant les plus petits salaires risquent de bouder les arrêts de travail par peur de perdre trop d’argent. Ce qui, à terme, peut leur causer des ennuis de santé bien plus graves. Les éloignant durablement de l’emploi.
« La perte de pouvoir d’achat pourrait être considérable. L’impact est loin d’être négligeable, surtout pour les salaires les plus modestes. », regrette Kathy Azevedo.