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En France, nous avons la chance de pouvoir compter sur la Sécurité sociale, pour rembourser nos soins et nos médicaments. En totalité ou en partie. Mais rien de tout cela ne serait possible sans les médecins, les spécialistes, les infirmiers et les aides-soignants. Dans les cabinets, dans les hôpitaux, dans les centres spécialisés… Ils sont des milliers de femmes et d’hommes, unis autour d’une mission cruciale : sauver des vies et guérir les patients. Malgré la vocation, beaucoup de soignants dénoncent l’état de notre système de santé. Et ce, depuis des années !
En juin dernier, certains d’entre eux avaient déjà pris la parole, à travers une lettre ouverte parue dans Mediapart. Ils avaient alors fait part de leurs inquiétudes, suite à la percée du Rassemblement national. Lors des législatives anticipées, c’est finalement le Nouveau Front Populaire qui a fini en tête. Mais voilà que les soignants brisent à nouveau le silence, avec une tribune publiée dans Le Monde. Et pour cause : pendant que le monde entier s’extasie sur les JO de Paris 2024, le secteur de la santé traverse toujours une période critique…
L’inégalité face aux soins
Chez Il était une pub, nous vous avons déjà parlé des déserts médicaux à plusieurs reprises. Dans beaucoup de régions, on manque de médecins. Généralistes, dermatologues, pédiatres, psychiatres… Autant de professions débordées. Résultat ? La prise en charge des malades s’en ressent. Car il n’y a pas de place pour tout le monde. Une situation que les soignants connaissent bien, puisqu’ils la vivent chaque jour.
« Les carences sont connues, documentées et vécues par tous au quotidien. Selon le ministère de la santé, 87 % du territoire est considéré comme un désert médical, et un tiers de la population n’a pas un accès suffisant aux soins. Les urgences souffrent, craquent, ferment ou trient. L’accès à un spécialiste ou à un centre d’expertise peut prendre des mois, à condition qu’ils acceptent encore de nouveaux patients. », explique la tribune parue ce 9 août.
Même pour les maladies graves, on manque de moyens. Ce qui donne lieu à des histoires dramatiques.
« Ainsi en est-il par exemple des centres antidouleur, des centres médico-psychologiques ou des équipes de soins palliatifs auxquels n’ont accès que la moitié des patients qui en auraient besoin alors même qu’ils sont atteints de maladies graves en phase parfois très avancée (Cour des comptes, juin 2023). »
Les soignants soulignent également des disparités. Entre les patients qui connaissent du monde, et peuvent obtenir des rendez-vous. Et ceux qui n’ont pas cette chance, et y laissent leur santé.
« Trop souvent, l’accès aux soins est affaire de réseau. « Connais-tu un bon médecin spécialiste ? » « Pourrais-tu parler de moi ? » « As-tu quelqu’un dans ta famille qui connaît quelqu’un ? » Le capital social est ainsi devenu la meilleure assurance-maladie, ce qui crée dans le pays un fort sentiment d’insécurité médicale. »
Du côté du personnel comme des malades, on compose avec une médecine au rabais et un système largement à bout de souffle, faute de moyens. Résultat ? Un climat délétère, qui gangrène les salles d’attente et complique encore plus la mission des soignants. Loin de se poser en victimes, ces professionnels de santé pointent la responsabilité des pouvoirs publics.
« Cette réalité est un moteur profond de colère et une des causes majeures du sentiment de déclassement. L’impossibilité de parvenir à être soigné ou à faire soigner ses parents ou ses enfants génère une immense et légitime rancœur. La violence qui s’exerce parfois à l’encontre des soignants en est une conséquence. Lorsque la puissance publique ne parvient plus à offrir des soins, quel risque prend-on à renverser la table ? Les votes des dernières semaines traduisent aussi cette réalité. »
Les revendications des soignants
L’hôpital public en danger… C’est un refrain qui se répète, que l’on entend depuis des décennies, et finit par sonner par une chanson familière. Il faut dire que les médecins et les infirmiers n’ont pas la possibilité de laisser tomber les patients. Lorsqu’ils font grève, ils arborent un simple brassard sur leur blouse. Pour le symbole. Et quand ils descendent dans la rue pour obtenir de meilleures conditions de travail, les autorités n’ont pas de mal à réprimer leurs manifestations. Pourtant, les soignants ont un rôle crucial, auprès de tout le monde, sans distinction d’âge, d’origine, de nationalité, de classe ou de religions.
« Soignants, nous ne sommes pas là par hasard. Nous sommes là parce que ce qui compte, c’est l’humain. Infirmiers, aides-soignants, psychologues, pharmaciens ou médecins de toutes disciplines, nous accueillons tous ceux qui demandent de l’aide. Chaque jour, nous accompagnons les personnes dans leur diversité. Pour nous qui les soignons, ces personnes ne sont pas de gauche ou de droite, françaises ou étrangères, avec ou sans papiers, elles sont simplement humaines, et notre mission est de les aider à guérir ou à vivre avec la maladie et de les accompagner parfois jusqu’à la mort. En cela, le soin est un engagement politique au sens le plus élémentaire, c’est notre engagement : prendre soin de tous sans distinction et avec la même attention parce que la relation de soin est un bien commun. Alors même que notre société valorise le pouvoir, le contrôle et la force, nous, soignants, nous sommes là pour entendre la détresse, pour accompagner la souffrance jusqu’à parfois même l’envie de mourir et pour essayer de comprendre, soulager et rassurer. »
Malheureusement, sans l’appui des dirigeants, les soignants ne peuvent pas faire grand-chose. Moins nombreux, pas assez équipés… Ils finissent par prodiguer des soins de piètre qualité. En dépit de leurs efforts.
« Notre service public du soin est exsangue voire maltraitant, pour les personnes qu’il accueille comme pour celles qui y travaillent. Chaque jour, nous faisons avec inquiétude le constat de la fragilité de notre système de santé et de son incapacité croissante à répondre aux besoins de tous. »
En attendant que les députés reprennent leurs places dans l’hémicycle, le secteur de la santé lance un cri du cœur. Afin que les responsables politiques fassent de l’accès aux soins une priorité.
« Comment souhaitons-nous habiter notre Terre pour prendre soin des humains qui la peuplent ? Comment voulons-nous collectivement prendre soin de tous et, en particulier, des personnes malades, vulnérables, âgées ou handicapées ? Ces questions font du soin un projet profondément politique, un choix de société au-delà des querelles de partis. Car une société qui n’accompagne pas de manière satisfaisante ceux qui ont le plus besoin d’aide face à la maladie et à la souffrance est une société où se développent la colère et l’indifférence. Soignants, nous ne pouvons nous résoudre à cette défaite annoncée qui serait celle de tous et d’abord des plus fragiles. »
La vocation des soignants, loin de crispations identitaires et des politiques de réduction de la dette, préserve ce qui n’a pas de prix : nos vies.
« Le soin rassemble et ouvre une perspective de solidarité, de progrès et de fraternité. Il replace le progrès technique au service de l’humain, peut remédier à de nombreuses pathologies sociales (isolement, sentiment d’inutilité, violences de tous ordres…). Il est un éloge de l’attention et nous invite à nous engager les uns pour les autres. Il est l’espoir de recoudre notre société fracturée. Nous espérons que s’impose la « loi du plus faible ». Ce plus faible que nous continuerons d’accompagner quoi qu’il arrive parce que c’est notre métier, notre choix et le cœur battant de notre engagement. Ce cœur qui bat pour toute notre société. »
Parmi les signataires de cette tribune, on trouve des infirmiers, des gériatres, des neurochirurgiens, des pharmaciens, des psychiatres… Espérons que la sphère politique saura tendre l’oreille.
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