Europe 1 : après l’arrivée de Cyril Hanouna, des journalistes se retirent

Le lancement surprise de On marche sur la tête sur Europe 1 a pris tout le monde de cours. Aussi, désormais certains collaborateurs préfèrent arrêter de travailler pour cette station de radio.

© Europe 1

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La question de l’indépendance des médias face aux grands groupes se pose déjà depuis de nombreuses années. En effet, quelques milliardaires se partagent les chaînes de télévision, stations de radio et journaux. Ainsi, Bernard Arnault, à travers le groupe LVMH, détient Le Parisien ou encore Les Échos. Le groupe Altice, de Patrick Drahi, détient Libération, TMC ou BFMTV. Or, Europe 1 fait partie du groupe Lagardère (Arnaud Lagardère). Mais en novembre dernier, le groupe Vivendi (appartenant à Vincent Bolloré) a fini par en devenir l’actionnaire principal. Et depuis, en interne, bon nombre de journalistes dénoncent un changement de méthode dans le traitement de l’information.

Lune des affaires qui a mis le feu aux poudres s’appelle On marche sur la tête. Montée en dernière minute dans la cadre de campagne pour les législatives anticipées, l’émission est animée par Cyril Hanouna. Mais on retrouve aussi beaucoup d’habitués, qui l’accompagnent aussi en temps normal dans TPMP. Comme Géraldine Maillet ou Valérie Benaïm. L’arrivée de cette équipe sur Europe 1 s’est faite au détriment du talk-show de Sophie Davant. Une situation étonnante, qui a même donné lieu à des rumeurs persistantes, sur une mauvaise ambiance au sein de la radio. L’animatrice a néanmoins su sourire avant de souhaiter bonne chance au trublion de C8, qui l’a gratifiée d’une bise avant de récupérer le micro. Mais ce changement de programme ne laisse pas tout le monde indifférent…

Europe 1 : qui pilote le média et qui s’en va ?

France Info a mené l’enquête dans les couloirs de la station. L’objectif ? Prendre la température parmi les journalistes en poste sur place. Ceux qui ont accepté de parler ont néanmoins demander à garder l’anonymat. Une collaboratrice dénonce un mécontentement de plus en plus présent depuis novembre dernier. L’arrivée de Cyril Hanouna serait simplement l’illustration la plus flagrante d’une hiérarchie qui impose un ton, sans dialogue avec les équipes.

« On nous a pris en traître. On nous a imposé ce choix super clivant (…) Il y a un gros malaise depuis quelques mois et encore plus depuis l’arrivée de Cyril Hanouna. », confie un témoin dont l’anonymat a été préservé lors de l’enquête.

La nouvelle émission débarquée sur Europe 1 a laissé les collaborateurs dubitatifs. Certains craignent qu’il ne reproduise sur les ondes ce qu’il faisait déjà sur C8. En clair : prendre position contre la gauche, et en faveur de la droite, sans s’en cacher.

« Le jour de sa prise d’antenne, plusieurs personnes m’ont confié leur envie de quitter la radio. On a l’impression d’une démission silencieuse et globale de la direction. »

Pour certains, l’évolution de la ligne éditoriale a tout à voir avec le groupe détenu par Vincent Bolloré.

« Ce choix a évidemment été imposé par le haut. Depuis l’OPA en novembre par Vincent Bolloré, Europe 1 n’est pas une société en commandite, ils n’appliquent que ce qu’on leur demande de faire. Il n’y a plus de capitaine dans le bateau. Ou alors, il se trouve du côté de Vivendi. »

Un mauvais signal pour les équipes

Les journalistes, comme certains auditeurs, ont bien remarqué le virage à droite qui se déroule sur les ondes d’Europe 1. Certains ont déjà démissionné. Un des journalistes ayant quitté le navire dénonce un environnement de travail devenu tendu. Et des consignes discutables en termes de déontologie.

« Ça a été la goutte de trop. (…) La journée de l’arrivée de Cyril a été lourde pour tout le monde. C’était vraiment une ambiance d’enterrement. C’est un mot choisi parce que c’est vraiment ce qu’on s’est dit. On avait vraiment l’impression d’enterrer Europe 1 et ce qu’était ce média auparavant. On s’est vraiment habitués à avoir un traitement de l’info de droite, voire d’extrême droite, des angles choisis, malhonnêtes, détournés. On en avait l’habitude. Mais là, on était face à deux heures d’information dans un programme complètement idéologique, une caricature complète. », confie un ancien journaliste d’Europe 1 à France Info.

Aux dernières nouvelles, et malgré la mise en garde de l’Arcom, l’émission On marche sur la tête semble faire de belles audiences. Mais au sein de la rédaction, les avis divergent. Et avant de quitter Europe 1, certains n’hésitent pas à vider leur sac.

« En total désaccord avec la ligne éditoriale d’Europe 1 ces dernières semaines (et encore plus ces derniers jours), je mets fin à ma collaboration avec la radio (…) Proposer une information objective, avec le souci du contradictoire, a toujours dicté mon action sur le terrain, et il m’apparaît aujourd’hui que cette exigence-là n’est plus respectée, que ce soit dans les commandes de reportage (ou les angles demandés) et, encore plus globalement, à l’antenne. Or, cela devrait être une nécessité non seulement de tous les instants, mais encore plus en ces temps si troublés politiquement, socialement, écologiquement, économiquement et diplomatiquement parlant. », écrit un pigiste ayant cessé de collaborer avec la radio.

Ceux qui pensent à partir soulignent un certain contrôle sur leur travail et sur les thématiques qu’ils doivent maintenant aborder. Un tri des sujets sur Europe 1 qui aurait un objectif clair : favoriser la droite.

« Les reporters doivent proposer des sujets ‘dans la ligne’, assure l’un de ces journalistes. Dans la note du matin [NDLR : un document interne transmis aux journalistes du média], on appelle cela ‘nos marqueurs’. En clair, on nous demande d’aller vers des faits de société surtout liés à l’immigration… Ce sont souvent des faits divers commis par des clandestins, des fichés S. Politiquement, il nous est par exemple interdit de qualifier le RN ou Reconquête de parti d’extrême droite. En revanche, LFI est d’extrême gauche. »

Des consignes claires, qui, si elles existent réellement, pèsent lourdement sur la prétendue neutralité de la radio.

 « Que ce soit dans les sujets et les angles choisis (…) il y a un vrai accent donné à ‘la ligne’. C’est le mot répété sans cesse par la hiérarchie. À savoir, du fait divers ou des sujets qui concernent l’électorat de droite. », commente un journaliste qui songe à démissionner lui aussi. 

Sources : francetvinfo.fr

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