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Tomber malade en plein congé : voilà le scénario cauchemar qui oppose aujourd’hui Paris et Bruxelles. La Commission européenne a enclenché, en juin 2025, une procédure d’infraction contre la France au sujet des congés payés chevauchant un arrêt maladie. Les autorités européennes estiment que le droit français ne protège pas assez bien le salarié cloué au lit pendant ses vacances. Pourtant, depuis la réforme du Code du travail d’avril 2024, l’employeur est censé accorder une période de report de quinze mois. Entre textes jugés insuffisants par Bruxelles et interprétations juridiques divergentes, la confusion gagne les services RH… et les salariés. Décryptage d’un dossier qui pourrait, à terme, remodeler notre façon de poser les congés.
Ce que prévoit la loi depuis 2024 pour les congés payés
La réforme adoptée au printemps dernier a posé deux piliers : d’une part, un salarié en arrêt maladie non professionnel acquiert désormais deux jours ouvrables de congés par mois. D’autre part, l’article L.3141-19-1 garantit un report de quinze mois si la maladie empêche de prendre les jours prévus. Théoriquement, la protection s’applique que l’arrêt survienne avant ou pendant les vacances.
Le grief de la Commission européenne
Bruxelles n’est pas satisfaite. Dans sa lettre de mise en demeure, elle reproche à la France de ne pas assurer « le report effectif des jours de congés coïncidant avec un arrêt maladie ». Autrement dit, le salarié alité lors de sa semaine au bord de la mer ne serait pas certain de récupérer ces jours.
Deux lectures du même texte
Pour plusieurs praticiens du droit social, la jurisprudence française ferait encore une différence entre la maladie déclarée avant le départ, qui gèle automatiquement les congés et celle qui survient après l’arrivée sur le lieu de villégiature, laquelle laisserait le salarié sans recours. Cette interprétation expliquerait la pression exercée par la Commission.
Congés payés et arrêt maladie : une experte répond
Avocate au barreau de Paris, Alexandra Stocki balaie cette lecture.
« Dire que le droit français n’accorde pas de report lorsqu’on tombe malade pendant les congés est une vision erronée », affirme-t-elle dans Ouest-France.
À ses yeux, le nouvel article du Code du travail ne distingue pas « avant ou pendant » :
« Le texte parle d’impossibilité de prendre les congés, sans préciser la date à laquelle la maladie survient. Principe juridique élémentaire : on ne crée pas de distinction là où la loi n’en fait pas. »
Alors, où se situe vraiment le problème ?
L’avocate avance une autre faille possible : le manque de flexibilité lorsque le salarié replonge dans la maladie pendant la période de report. Les quinze mois pourraient s’avérer insuffisants dans les cas de pathologies longues :
« Le Code ne prévoit ni suspension ni prolongation du délai si l’état de santé se dégrade de nouveau, c’est peut-être là que Bruxelles attend un correctif », explique l’avocate en droit social.
Congés payés et maladie : quelles conséquences pour les entreprises et les salariés ?
À court terme, rien ne change : le salarié doit informer son employeur de l’arrêt de travail, conserver le certificat médical et réclamer le report à son retour. Toutefois, la France dispose de deux mois pour répondre à la Commission.
Aussi, un ajustement législatif n’est pas exclu. Les directions RH devraient suivre le dossier de près. Et, par prudence, accorder systématiquement le report lorsque la maladie est attestée, quelle que soit la date de déclaration.
Ce qu’il faut retenir
La saga des congés payés et des arrêts maladie, commencée il y a plus de vingt ans, n’est pas terminée. Entre la protection souhaitée par l’UE et les subtilités du droit français, l’épisode 2025 pourrait aboutir à un nouveau toilettage du Code du travail, notamment sur la prolongation du délai de report.
En attendant, la vigilance reste la meilleure défense ! Conservez vos justificatifs médicaux et informez sans délai votre employeur. Enfin, n’hésitez pas à demander explicitement le report de vos jours non pris.