En un mois, le paysage politique de la France a changé de visage. En cause ? La décision d’Emmanuel Macron, qui a dissous l’Assemblée nationale le 9 juin. L’objectif ? Clarifier la situation, en appelant les citoyens aux urnes. Afin qu’ils élisent de nouveaux députés. Malheureusement, ce scrutin n’a fait que confirmer le triste score que Renaissance avait déjà récolté lors des élections européennes. Au premier tour des législatives, le Rassemblement national semblait bien parti pour rafler la mise, avec une majorité absolue. Ce qui aurait conduit Jordan Bardella à devenir Premier ministre.
Mais finalement, avant le 7 juillet, Ensemble (le bloc central) et le Nouveau Front Populaire (l’alliance de gauche) se sont arrangés pour faire barrage au RN. En mettant en place des désistements parmi certains candidats aux législatives. Ce front républicain a suffi à faire reculer le parti de Jordan Bardella (avec Éric Ciotti et ses soutiens de chez LR) à la troisième place (143 sièges). Or, le NFP est majoritaire avec 178 sièges (182 en comptant les élus divers gauche). Et les élus d’Ensemble suivent de près, avec 150 députés. Selon Emmanuel Macron, l’hémicycle est trop divisé pour dégager une vraie majorité. Aussi, pour l’heure, il n’envisage pas de collaborer avec un gouvernement de gauche. Pour justifier cette position, il a adressé une nouvelle lettre aux Français ce mercredi 10 juillet.
Emmanuel Macron fait le choix de la stabilité…
La campagne a pris fin ce dimanche soir. Avec un résultat décevant pour les soutiens du RN et une issue pleine d’espoir pour la gauche. Malheureusement, après le soulagement et la joie des militants, le Nouveau Front Populaire demeure plus fracturé que jamais. En cause ? Ce que certains perçoivent comme des « outrances » du côté de LFI. Aussi, même si Ensemble a perdu une centaine de sièges avec les législatives, Emmanuel Macron n’a pas dit son dernier mot. Il reconnaît néanmoins l’engagement des citoyens, qui ont massivement participé au scrutin.
« Les 30 juin et 7 juillet derniers, vous vous êtes rendus aux urnes en nombre pour choisir vos députés. Je salue cette mobilisation. Signe de la vitalité de notre République dont nous pouvons, me semble-t-il, tirer quelques conclusions. »
Lundi dernier, le président de la République a rejeté la démission de Gabriel Attal. Le Premier ministre reste en poste, afin d’assurer le déroulement des JO de Paris 2024 dans un contexte serein. Pour ce qui est de nommer le nouveau chef du gouvernement, Emmanuel Macron estime que le moment n’est pas encore venu.
« D’abord, il existe dans le pays un besoin d’expression démocratique. Ensuite, si l’extrême-droite est arrivée en tête au premier tour avec près de 11 millions de voix, vous avez clairement refusé qu’elle accède au Gouvernement. Enfin, personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. Divisées au premier tour, unies par les désistements réciproques au second. Élues grâce aux voix des électeurs de leurs anciens adversaires, seules les forces républicaines représentent une majorité absolue. La nature de ces élections, marquées par une demande claire de changement et de partage du pouvoir, les oblige d’ailleurs à bâtir un large rassemblement. »
Mais alors qu’attend exactement le président de la République ? L’émergence d’une majorité suffisamment fédératrice et républicaine à ses yeux.
« C’est à ce titre que je demande à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines (…) d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays. »
Même si chacun a déjà mis de l’eau de son vin ces derniers jours, Emmanuel Macron demande aux parlementaires de faire des concessions, pour former une coalition avec le bloc central.
« Elle devra garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible. Elle rassemblera des femmes et des hommes qui, dans la tradition de la Vème République, placent leur pays au-dessus de leur parti. La Nation au-dessus de leur ambition. Ce que les Français ont choisi par les urnes – le front républicain. Les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes. »
Il faudra donc attendre encore pour savoir qui gouvernera le pays dans les prochains mois. Dans tous les cas, la décision reste dans les mains du chef de l’État.
« C’est à la lumière de ces principes que je déciderai de la nomination du Premier ministre. Cela suppose de laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis avec sérénité et respect de chacun. D’ici là, le Gouvernement actuel continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine. »
Il faudra que les députés fassent preuve d’unité, sans céder au chaos, pour avoir une chance de prendre le pouvoir :
« Plaçons notre espérance dans la capacité de nos responsables politiques à faire preuve de sens de la concorde et de l’apaisement dans votre intérêt et dans celui du pays. Notre pays doit pouvoir faire vivre, comme le font tant de nos voisins européens, cet esprit de coalition et de dépassement que j’ai toujours appelé de mes vœux. »
Faut-il s’attendre à ce que les députés arrivent à un consensus ? Emmanuel Macron aura-t-il encore le dessus ? Ou bien, s’agit-il d’une stratégie bien rodée ? À gauche, la lettre du président fait grincer des dents.
« Emmanuel Macron vient de nous écrire une lettre pour nous dire d’aller bien nous faire cuire le c*l. En résumé. », tweete Caroline De Haas, qui soutient le NFP.
De son côté, Jordan Bardella ne décolère pas non plus. Mais pour d’autres raisons :
« Emmanuel Macron organise la paralysie du pays en positionnant l’extrême gauche aux portes du pouvoir, après d’indignes arrangements. Et son message est désormais : débrouillez-vous. Irresponsable ! », tacle le président du RN, via X.
Pas sûr que l’apaisement ne soit au rendez-vous avant un long moment.
« C’est un président dans le déni. Il se donne un rôle qu’il n’a en fait, plus. », commente Stéphane Troussel, président du PS en Seine-Saint-Denis.
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