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Astuce nécessaire pour les uns, scandale démocratique pour les autres, l’utilisation de l’article 49.3 divise l’opinion et la sphère politique. Mais pour s’en indigner comme pour l’approuver, encore faut-il comprendre ce dispositif. Rassurez-vous, Il était une pub ne va pas vous faire un cours de droit constitutionnel ! Nous vous proposons simplement un point récapitulatif sur ce mécanisme. Et ce, pour vous permettre de vous faire votre propre opinion. Alors pour ou contre le recours à l’article 49.3 ? Découvrez comment ça marche et ce que peut entraîner une telle mesure.
Article 49.3 : de quoi parle-t-on ?
Parlons peu, parlons bien. En France, l’organisation des pouvoirs, mais aussi les droits et devoirs des citoyens sont détaillés dans la Constitution. Aujourd’hui, lorsqu’on se réfère à ce texte, on parle de la version adoptée en 1958. Ce corpus encadre le fonctionnement de la Ve République. Laïcité, parité, égalité, droit de vote universel… tous ces aspects de notre vie politique font l’objet de nombreux articles, très clairs. Et, ce pour garantir un exercice du pouvoir qui respecte les grands principes de la République. Le gouvernement doit donc avoir l’accord de l’Assemblée Nationale et du Sénat pour adopter de nouvelles lois. Néanmoins, en cas de désaccord, l’exécutif dispose d’un atout de taille : l’article 49.3 de la Constitution.
« Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »
Concrètement, ça veut dire quoi ?
Bien sûr, à ce stade, quelques explications peuvent s’imposent pour bien comprendre ce mécanisme :
- L’article 49.3 permet au gouvernement de se passer du vote des députés de l’Assemblée Nationale. Cette solution peut s’avérer utile pour faire adopter une loi rapidement. En limitant les débats et les amendements des parlementaires.
- Mais, comme le précise le texte de la Constitution, lorsque le Premier Ministre utilise cette carte, il engage sa responsabilité. En clair, si les députés peuvent refuser l’adoption du texte par 49.3. Cependant, s’ils optent pour cette solution (en déposant une motion de censure), cela revient à renverser le gouvernement.
Vous l’aurez compris, l’article 49.3, ressemble à un coup de poker de la part du gouvernement. En utilisant cette méthode, le pouvoir exécutif laisse le choix aux parlementaires :
- Soit, ils mettent de côté leurs protestations en adoptant le texte sans discuter.
- Soit, ils refusent l’adoption de ce texte. Mais en faisant cela, ils signifient que l’exécutif n’a plus la confiance des députés. Ainsi, le gouvernement peut être renversé, si les élus de l’Assemblée Nationale adoptent, à la majorité absolue, une motion de censure.
Renversement du gouvernement ou dissolution de l’Assemblée ?
Dans toute l’histoire de la Ve République (depuis 1958), les députés ont réussi à faire passer une motion de censure une seule fois. Or, il s’agit de l’un des seuls moyens de pression dont dispose l’Assemblée Nationale pour tenir tête au gouvernement. Mais cette solution aboutie rarement, pour plusieurs raisons :
- Il faut que la motion fasse l’objet d’un vote à la majorité absolue. Il faut donc qu’au moins la moitié des élus (+1) se prononcent pour ce recours. Or, aujourd’hui, on a 577 députés en fonction. Il faut donc que 289 d’entre eux se mettent d’accord pour que cette technique marche. Mais, vous le savez, entre le RN, les Républicains, et la NUPES, on ne peut pas vraiment parler de grand amour. Ce qui rend un vote commun très difficile.
- Si la motion de censure aboutit, et que les parlementaires parviennent à renverser le gouvernement, les problèmes de ne s’arrêtent pas là. En effet, le nouveau pouvoir exécutif pourrait décider de dissoudre l’Assemblée Nationale. Il faudra alors organiser de nouvelles élections pour désigner des parlementaires. Ce qui signifie qu’en votant la motion de censure, certains élus ont une chance de perdre leur siège dans l’hémicycle. À ce stade, vous commencez sans doute à comprendre pour certains rechigne à voter une telle motion.
Dans le même temps, l’article 49.3, lui, a été mobilisé 90 fois par depuis 1958. Et, si ce dispositif agace de plus en plus, c’est parce que le pouvoir exécutif a tendance à le dégainer à beaucoup plus depuis quelques années…
Michel Rocard : le champion de l’article 49.3
Entre 1988 et 1991, la France avait François Mitterrand pour Président de la République, et un certain Michel Rocard pour Premier Ministre. Et, en matière de 49.3, on peut dire que ce dernier a battu des records, lors des trois années qu’il a passé à la tête du gouvernement.
Ainsi, au cours de son mandat, il a utilisé l’article 49.3 à 28 reprises ! Dont 13, au cours d’une seule et même session parlementaire. Une performance qui a de quoi laisser rêveur. Selon cet homme politique, cette solution devenait indispensable.
« Malgré la richesse des échanges auxquels ce débat a donné lieu, des raisons, qui ne sont probablement pas absolument toutes liées à l’audiovisuel, ont conduit divers groupes à adopter une position de refus. Et les voilà qui convergent. J’entends donc que chacun prenne ses responsabilités, à commencer par moi, les miennes. »
Pourquoi Élisabeth Borne prend-elle le même chemin ?
À notre époque, le gouvernement se trouve dans une situation similaire à celle du pouvoir exécutif dans les années 1988 à 1991. En claire, Emmanuel Macron a réussi à se faire élire au pouvoir. Cependant, lors des dernières élections législatives, les candidats de son parti (Renaissance) n’ont pu obtenir que 245 siège à l’Assemblée Nationale. Sauf que la majorité absolue nécessite 259 élus…
Résultat ? Dans l’hémicycle, le pouvoir exécutif a bien du mal à imposer ses décisions face aux députés de droite, du RN ou de la NUPES. Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi la Première Ministre se tourne finalement vers l’article 49.3, pour gouverner. Ainsi, alors qu’Emmanuel Macron l’a nommée, en mai 2022, elle a déjà utilisé cette astuce 9 fois.
Quatre ans après la crise des gilets jaunes, deux ans après les débuts de la pandémie, les ménages font face à une terrible inflation. Aussi, cette habitude a beaucoup du mal à passer aux yeux de la population. Après deux mois de mobilisation relativement pacifistes, la gauche et les syndicats ne cachent pas leur indignation. Aussi, depuis 2 jours, la situation devient explosive, place de la concorde. Certains manifestants ont même fini par dégrader le mobilier urbain, sous les assauts des forces de l’ordre. Affaire à suivre…