Afficher Masquer le sommaire
Le groupe de travail « Évaluation des risques liés aux nitrates et nitrites » rendait son rapport en juillet 2022. Découvrez les conclusions et recommandations sur la charcuterie dans cet article.
Un lien entre la charcuterie et le cancer
À rappeler que c’est depuis des années que l’on sait que la consommation de charcuterie augmente le risque de cancer colorectal. C’est en 2007 qu’on l’a mis en évidence dans le rapport du World Cancer Research Fund et l’American Institute for Cancer Research.
Il y avait suffisamment de preuves pour catégoriser que la charcuterie était cancérigène pour l’être humain. C’est ce qu’avait conclu le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). La question des additifs nitrés étant devenue un enjeu politique.
Le député Richard Ramos a déposé deux propositions de loi pour en limiter l’usage. Parallèlement, Foodwatch, Yuka et la Ligue contre le cancer lançaient une vaste pétition pour demander leur interdiction. Le 3 mars 2020, les députés Richard Ramos, Barbara Bessot Ballot et Michèle Crouzet ont mis en place une mission d’information parlementaire.
C’était dans le but de mieux éclairer les différents enjeux en rapport à l’utilisation de sels nitrés dans la production de charcuterie. Cette mission parlementaire pousse le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, à saisir l’Anses.
Cela afin de guider la décision publique et faire le point sur la question suivante :
« Quel(s) risque(s) courons-nous à consommer de la charcuterie nitrée ? »
Le groupe de travail de l’Anses
On a rédigé la saisine de l’Anses entre avril et juin 2020. Elle répondait à une question d’actualité — la cancérogénicité de la charcuterie nitrée — mais elle incluait aussi d’autres préoccupations sanitaires. Notamment, l’exposition au nitrite et au nitrate par les aliments ou les eaux de boisson. Une exposition actuellement réglementée.
Cette saisine comportait 4 questions auxquelles l’Anses répondait en assemblant un groupe de travail d’une dizaine de scientifiques. Quatre comités d’experts spécialisés de l’Anses supervisaient ce groupe de travail. On a soumis les travaux du groupe de travail aux différents comités d’experts spécialisés qui les valident. Ensuite, la direction de l’Anses les valide à son tour.
Charcuterie nitrée : une évaluation complexe
Très réactifs, les composés nitrosés/azotés se transforment continuellement. Chacun de nous s’expose quotidiennement à ces molécules présentant des biochimies et des toxicités différentes.
Dans son rapport, l’Anses note la complexité de l’évaluation du risque de telles molécules réactives. C’est notamment à cause de leur diversité, de la complexité des expositions et des toxicités. Mais aussi de la multiplicité des cibles physiologiques.
Dans notre organisme, ce sont des caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques rencontrées lors de la digestion que dépend la nature de ces molécules. La présence de nitrates et de nitrites dans les aliments concerne l’eau de boisson, les produits végétaux et les produits carnés. C’est ce que disent les rapporteurs.
L’exposition directe aux nitrites/nitrates présents dans les aliments est associée à un risque accru de cancer gastrique. Dans le cas de la charcuterie nitrée toutefois, ce serait l’exposition aux composés nitrosés néoformés que l’on associe à l’augmentation du risque de cancer colorectal.
On connaît certains de ces composés nitrosés pour leur caractère génotoxique et cancérigène. Pour affirmer l’association de l’utilisation d’additifs nitrés dans les charcuteries au risque de cancer, le GT Nina a analysé les données épidémiologiques disponibles.
Charcuterie, additifs nitrés et cancers
Les données épidémiologiques sont les plus hauts niveaux de preuve que l’on peut obtenir pour démontrer l’existence d’un risque de cancer. Les membres du GT Nina ont systématiquement recensé les articles parus dans la littérature scientifique entre 2015 et mars 2020. On a considéré au cours de l’analyse que le niveau de preuve était atteint.
En effet, deux articles au moins convergent dans la même direction (augmentation ou diminution du risque de cancer). Le groupe de travail a définitivement conclu « à l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque colorectal ».
Il confirme ainsi la classification que le CIRC a opérée en 2015. Il montre même que c’est l’utilisation d’additifs nitrés qui est associée à la cancérogénicité de la charcuterie. En effet, les nouvelles études incluses dans son analyse ont pris en compte les teneurs en additifs nitrés des charcuteries.
C’est ce qui a permis d’associer la présence de ces additifs avec le risque de cancer. Ces résultats sont bien plus précis que ceux mis en évidence par le WCRF en 2007. En effet, à l’époque, on n’avait établi que l’association entre une consommation de charcuterie dans sa globalité et le risque de CRC.
Par ailleurs, les auteurs du rapport de l’Anses soulignent une association suspectée entre la consommation d’additifs nitrés et divers cancers. Cela dit, on n’a pour le moment pas atteint le niveau de preuve suffisant. Cela nécessite donc d’autres études pour pouvoir les confirmer ou les infirmer.
Source : La Dépêche